Conte de Noël

Une buche bien sèche dans la cheminée, un verre de Cherry à la main, bien installée dans la méridienne je me laisse envahir par la chaleur et la danse hypnotique des flammes qui m’emmènent vers d’autres lieux.

C’est l’aube, un brouillard givrant recouvre tout, je suis dans un trou, non, une tranchée. Je me hisse sur la pointe de pieds pour voir au delà, par les épaules un soldat me retient : « c’est la guerre ma petite dame vous voulez vous faire tuer? !! » Le jour se lève. Les ombres deviennent des êtres humains, des soldats transis de froids vêtus d’uniformes méconnaissables sous la couche de crasses et de sang. La guerre fait rage, des milliers de militaires Français, Anglais, Belge et Allemands sont morts, le moral est au plus bas. Où suis-je ? A quelle époque ?

Sur le sol un journal souillé par la boue, je réussi à lire la date : le 20 décembre 1914, le nom de ma ville est illisible. Je reste sur ma faim, depuis combien de jour est-il là ? Le ciel est couleur de plomb mais le brouillard s’est dissipé. A quelques kilomètres les combats ont repris ici tout à l’air d’être calme. Un de mes compagnons risque un coup d’oeil sur le « no man’s land ». Rien ! Plus loin, le long de la tranchée allemande de petits sapins ont été installés. Il informe ses compagnons, tous sont content, la journée va être calme. Une voix s’élève chez les Allemands, une voix puissante, chaude et réconfortante. Nous ne comprenons pas les paroles mais ces chants de Noël sont universels. Nous sommes tous envahis par la magie de l’instant, Français, Belges, Britanniques applaudissent à tout rompre. Encouragé, l’Allemand entame d’autres chants de la nativité. Ils sortent de terre, Français, Anglais, Belge en font autant, autour d’eux tout est dévasté. Nous sommes le 25 décembre 1914 près de Hypres en Belgique, les soldats ont décidé d’instaurer une trêve. Ce jour là, nos soldats ont compris qu’ils se battaient contre des hommes comme eux, des hommes qui avaient les mêmes préoccupations, les mêmes espérances. Le chanteur à la voix d’or se nomme  Walter Kirchhoff, il est un célèbre ténor dans son pays. De petits cadeaux sont échangés, un repas commun est organisé et même un match de foot…

Je m’éloigne un peu, je suis la spectatrice d’un moment où l’humain a repris le dessus, un moment unique, historique. L’année suivante des mesures sont prises pour éviter cette fraternisation.

Quatre trouffions s’avancent vers moi et me saluent. Les frères COURAGEUX Edouard et Charles et les frères BOURGEOIS Fernand et Gaston sont venus me rejoindre. Ils s’assoient près de moi. L’un m’offre un café brulant, l’autre une gaufre. Ils ne me connaissent pas mais je leur suis familière.

Après quelques échanges ils se rendent compte qu’ils viennent de la même ville, presque du même quartier. Ils parlent un moment de leur famille, de ce qu’ils feront après guerre, des aspirations de jeunes hommes.

Dois-je leur annoncer que leurs familles seront réunies par des mariages dans quelques décennies ? Que l’un d’entre eux va mourir ? Non !

« Edouard et Charles que font vos parents ? »

C’est Edouard l’ainé qui me répond :  » Nous sommes originaires de Saint Omer dans le Pas de Calais. Nos parents ont décidé de partir vivre à Calais. Notre père est serrurier et il ne manque pas de clients. Notre mère veille sur sa nichée et notre petit frère Eugène est né il y a quelques jours le 7. Nous avons hâtes de les revoir, que cette guerre soit terminée pour vivre à nouveau »

Fernand, Gaston qui prend la paroles ?

Gaston brule la politesse à son ainé : « Nous sommes Calaisiens, notre père est tailleur et notre mère reste à la maison »

« Pour dire de telles banalités tu aurais pu te taire » rétorque Fernand « L’ouvrage ne manque pas chez nous pour des personnes courageuses. Après la guerre nous voulons nous marier et avoir des enfants, nous voulons mettre derrière nous toutes ces atrocités que nous voyons, que nous vivons jour après jour. »

Ils continuèrent de parler un long moment, se levèrent et disparurent dans la brume. Je me réveille le cœur étreint, les idées confuses. Il me faudra un certain temps pour reprendre pied. J’étreins le coussin qui se trouve près de moi, les minutes passent, j’avale d’un trait l’alcool mais je n’ai toujours pas retrouvé ma quiétude. Je me rends à la fenêtre que j’ouvre en grand. L’air vif, le rire des enfants dans le parc, le calme et la sérénité de cet endroit me rassurent, je suis chez moi.

Je viens de vous narrer un conte basé sur des faits et des personnages réels mais ces quatre personnes ne se sont jamais rencontré durant la guerre. Le grand père et les grands oncles de Catherine ne se trouvaient pas près de Ypres en ce 25 décembre 1914, Edouard était dans la Meuse, Charles dans la Marne, Fernand dans la Marne et Gaston est près de Virton en Belgique.

Les journaux de l’époque ne parlent pas de l’aide apportée par les Américains de toutes classes sociales à la Belgique. En octobre 1914, Herbert C. Hoover, homme d’affaires et ingénieur des mines américain résidant à Londres, apporte la réponse à la mise en place d’un acheminement ordonné et constant de cette aide en fondant la Commission for Relief in Belgium (C.R.B.). Par la suite, toutes les régions occupées de France ont pu en bénéficier.

En ce même mois de décembre les pays de la Baltique confirment leur neutralité même si cela rend les membres de l’entente suspicieux. La Suisse, quant à elle, pour protéger sa souveraineté et sa neutralité mobilise tous les hommes en âge de se battre pour défendre ses frontières.

Cet article est particulier du fait qu’un incident domestique à éloigner Catherine de son clavier. Il est un condensé du rendez-vous ancestral et du journal ancestral.

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