Ma petite Flore

Flore BOURGEOIS, habite à l’ étage d’une bicoque qui fut jadis jolie mais l’ usure du temps a fait son œuvre. Ses peintures s’écaillent, sa porte et ses fenêtres vermoulues laissent passer le vent et l’humidité. La veuve LECOQ n’a pas les moyens de remettre en état son bien, les quelques sous que lui donne Flore pour le loyer lui permettent de ne pas mourir de faim. Flore, quant à elle, est écailleuse. Elle sépare les bandes de tulle les unes des autres. Elle est dure à la tâche mais le peu qu’elle gagne ne suffit pas à la faire vivre correctement. Un seul repas fait de patates et, quand la semaine est bonne, d’un peu de lard l’a fait tenir. Ses frusques sont tellement usées que la trame apparait à certains endroits. Elle ravaude, coud, brode, détricote un vieux châle pour s’en faire un gilet, elle est habile la petite Flore.

Elle aimerait bien travailler en usine mais son pauvre cœur s’y refuse. Depuis l’enfance, il danse la chamade, le médecin a parlé à ses parents, elle les a vus le visage défait. Malgré son jeune âge, elle a compris que sa vie ne tient qu’à un battement. Durant 18 années Louisette et Jules ont veillé sur la prunelle de leurs yeux, lui évitant les tâches pénibles et l’entourant de leur amour. La faucheuse les a emmenés il y a quelques mois. La ferme a été vendue mais l’ardoise chez le boucher, l’épicier, les frais de notaire ont fait fondre le pécule comme neige au soleil. Flore prit l’omnibus jusqu’à Calais et avec les quelques pièces qu’il lui restait elle ne pu louer que ce taudis. Elle a tout juste 20 ans et en parait 10 de plus.

Elle se remet à l’ouvrage, ses doigts se crampent sur les ciseaux, le jour baisse mais il faut économiser l’huile de la lampe, elle se rapproche de la fenêtre et plisse des yeux. Une heure de gagnée, elle craque une allumette, la petite flamme éclaire un instant son visage si las, elle allume la lampe et travaille encore. Son estomac se tord, elle a faim, elle croque dans un morceau de pain rassis, la mastication calme sa faim. Demain c’est samedi jour de paie, elle ira porter le travail de sa semaine, demain elle achètera quelques provisions et du bois, les nuits deviennent fraiches, oui demain. Elle se couche et s’endort. Son petit cœur malade en a décidé autrement, il n’y aura plus de demain ni d’après demain pour Flore, elle est morte durant la nuit.

Marie Hélène BOURGEOIS (1875-1895) appelée Flore

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