Le blues de Melle Rose

Je suis en pleine introspection, je voulais du calme et de la quiétude pour me débarrasser de cette mélancolie qui me prends par surprise et ne me lâche plus. Ce matin, j’ai pris l’omnibus jusqu’à la Comté*, j’y ai pris une chambre à l’auberge du village. La Lawe* y coule paisiblement, sans contrainte, jusqu’à la cascade et son moulin voisin. Une petite rupture de pente de quelques mètres a été créée pour alimenter le moulin en eau. La musique cristalline de la rivière m’attire. Je cherche l’endroit le plus discret, j’ étends une couverture sur l’herbe fraiche et je m’y allonge. Elle murmure, chuchote, gazouille à mon oreille et m’apaise. Il me faut surmonter mes craintes pour pouvoir reprendre le cours de ma vie.

Qui suis-je ? Je n’ai pas d’existence légale puisque je suis une chimère. Si je ne reste pas en contact avec les personnes rencontrées, je tombe dans l’oubli. J’entretiens une correspondance assidue avec mes amis en sachant très bien qu’ils vont vieillir et, qu’un jour, il me faudra cesser de leur écrire. Mon cœur saigne ! Pas d’époux, pas d’enfants simplement la solitude. Ai-je une âme ? Cette petite flamme éternelle ! Cette conscience spirituelle qui fait de toi un être humain. Je suis un corps, un esprit capable d’apprendre, de se délecter de connaissances, d’aimer, d’admirer ? Ou ne suis-je qu’un reflet de la personnalité de Catherine ?

Avenue Wilson à Calais

Mais je suis Mademoiselle Rose ! Quand je me réveille dans une époque trop éloignée de la mienne, une malle de vêtements se dresse aux pieds de mon lit. Je peux aussi m’endormir dans mon lit et me réveiller dans un autre lieu, un autre pays ! Le retour à la réalité est un peu délicat mais enfin ! Je n’ai aucun problème d’argent ! J’ai même pu acheter mon immeuble. Je vis au premier étage, les autres je les ai loués. J’ai eu la chance de connaître des êtres à la valeur inestimable : Etienne, Charles, Joséphine, Edouard, Catherine et bien d’autres. J’ai aimé toutes ces rencontres qui sont retranscrites pour la postérité.

La cascade de la Lawe

J’ouvre les yeux, le ciel apparait et disparait au travers du pinacle sous l’effet du souffle d’Eole. Le feuillage bruisse, la rivière s’écoule, la cascade pianote et j’ai enfin retrouvé la sérénité. Comme prévu, je vais rester tout le week-end dans ce charmant petit village. Je vais y dormir, rencontrer les villageois, me régaler des repas servis à l’auberge. Je vais sourire, je vais profiter, en un mot être heureuse.

*La Lawe est un affluent de la Lys et un sous-affluent de l’Escaut. La Comté est un village du Pas de Calais près de Lens.

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