1921 une année folle

Il est à peine quatre heures du matin, le sommeil s’en est allé sans crier gare. Je me tourne et retourne dans mon lit, inutile de rester couchée. A tâtons, je cherche les allumettes pour la lampe mais au lieu de cela ma main touche un connecteur, j’appuie, une lumière vive fuse. J’appuie sur l’interrupteur, la pièce s’illumine. L’électricité est installée dans l’appartement ! Mais quand ai-je fait faire ces modifications ? C’est le temps qui me joue des tours. Au pied du lit une malle. D’où vient-elle ? Je l’ouvre précautionneusement, elle est emplie de vêtements. Je commence à les empiler sur mon lit, mais où est le corset, où sont la tournure, les jupons et la traine amovible ?

Crinoline, corset et tournure.

A la place, j’y trouve, des bas d’une divine finesse, des corsets bien plus conformes au corps des femmes, des parures pour la poitrine et pleins d’autres choses. Je suis impatiente de sortir. Encore trois petites heures avant que le premier marchand de journaux ouvre.

Sous-vêtements des années 20

Je traverse le séjour pour me rendre dans la cuisine. Le feu est presque éteint mais la journée va être douce. Ma méridienne a été remplacée par un petit canapé bien plus confortable. Dans cette pièce aussi les lustres ont été changés, j’ai une machine sur mon bureau, je m’approche : des touches avec les lettres de l’alphabet, des petits marteaux installés en demi-cercle où sont également gravés les même lettres et d’autres éléments que je ne connais pas : une amélioration de la machine à écrire. Tic tac, tic tac fait la pendule, bang bang fait mon cœur impatient. Je file me faire un petit déjeuner, une cuisinière émaillée trône dans la cuisine, des ustensiles complètent le tout. Je me fais un café, me beurre une tartine tranchée dans un pain moulé. Sur le pot de confiture une marque, l’industrialisation est encore passée par là. Rassasiée je me rends dans la salle d’eau. Débarbouillée je retourne à ma chambre me vêtir. Une culotte que je trouve minuscule, une parure pour la poitrine, un corset terminé par des attaches, des bas qui ne peuvent tenir que pincés sur le corset, une robe fluide qui ne tombe que jusqu’aux mollets, de petites chaussures confortables, des colliers, bagues, boucles d’oreilles. Je me regarde dans la psyché, le résultat me plait ma longue silhouette épouse cette mode. J’enfile un manteau, mets un chapeau et je sors.

J’allonge le pas vers le coin de la rue et j’achète mon sésame, le journal du jour : 5 avril 1921. J’entre dans le parc Saint Pierre, m’installe sur un banc et feuillette le quotidien. J’étais tellement impatiente de connaître la date du jour que je n’ai pas remarqué les vestiges de la guerre. Je n’ai même pas vu la mairie presque terminée sur la place du Sahara. Je remonte la rue Gambetta en quête d’autres informations. Les maisons bombardées ont été remplacées par des bâtisses plus petites, les façades sont moins travaillées. Sur la rue Lafayette une devanture m’interpelle : « Maison de la Presse » c’est le magasin qu’il me faut. Il n’y a a pas que des journaux mais aussi des illustrés sur papier de meilleure qualité, des livres accessibles à toutes les bourses. J’achète un livre sur l’évolution de la technologie, un magasine de mode et d’autres journaux.

Rentrée chez moi, j’enfile un pull, m’installe sur le canapé et commence à lire. Un article m’intéresse, un capitaine épouse la fille d’une famille d’industriels Calaisiens, je vais me joindre à la foule pour suivre ce mariage. Le temps file, mon estomac crie famine, je me prépare un repas avec ce que je trouve dans le garde-manger. Repue, je retourne voir ce que je vais porter pour un mariage.

Yvonne VENDROUX

Malgré la foule j’ai réussi à entrer dans la mairie. Je me faufile et parviens à monter à l’étage mais la salle des mariages est gardée par des militaires. Je reste donc bien sagement près de la porte en jouant des coudes pour garder ma place. Le couple monte le grand escalier. Le Capitaine Charles de GAULLE me frôle presque en passant près de moi, sa future épouse Yvonne VENDROUX marche à ses côtés. Les chuchotements de la foule massée dans le hall m’empêchent d’entendre les consentements. Je descends prestement les escaliers mais la foule est encore plus dense à l’extérieur. Les VENDROUX font travailler beaucoup de Calaisiens, ils viennent féliciter la petite demoiselle.

Acte de mariage

Le temps est mitigé, le soleil tente de percer les nuages, il fait encore frais en ce 7 avril 1921. Les cloches de l’Eglise Notre Dame sonnent à toute volée, une nuée d’oiseaux s’envolent effrayés par le brouhaha joyeux qui s’élève du clocher. La plus belle église de Calais reçoit le plus beau mariage de l’année. J’ai réussi à entrer dans l’église, j’y connais tous les coins et recoins, cachée derrière un pilier je vais attendre que les familles soient assises pour m’installer près de la sortie. Le couple entre, la haute silhouette du Capitaine De GAULLE se détache de l’embrasure de la porte, il s’avance vers l’hôtel au bras de sa mère. Yvonne VENDROUX revêtue d’une robe de satin blanc à traîne et porte un voile couronné de fleurs d’oranger, elle avance au bras de son père Jacques-Philippe VENDROUX, elle rayonne. Ils échangent leurs vœux devant un prêtre ami de la famille.

Je sors, les abords de l’église sont noirs de monde. Dans la foule je crois reconnaître un trouffion que j’ai déjà rencontré. Je laisse tomber mon mouchoir que ce jeune homme s’empresse de ramasser, je le remercie d’un sourire et complimente la jeune fille à ses côtés. Mis en confiance, il me dit que lui aussi va passer la bague au doigt de sa promise. Charles COURAGEUX et Germaine FAVART m’invitent à leur mariage en septembre. Je remercie avec plaisir. Les cloches se remettent à carillonner. Les mariés sortent, un tonnerre d’applaudissement accompagne les mariés jusqu’aux voitures qui emmènent la noce. J’ai ouï-dire qu’ils partiront en voyage de noce dans le Nord de l’Italie. j’ai impression que l’on entendra encore parler de ce couple mais ce n’est qu’une impression.

Liens Internet

Fille de l’ancien consul d’Espagne

Chasseurs d’info

2 réflexions au sujet de “1921 une année folle”

Laisser un commentaire