Watson et Honorine

« Rho ! Catherine ferme le volet ! Je fais comment pour scintiller ?! Je suis un Waterman, j’ai besoin d’être sous les feux.

Mais, Mais ! que m’arrive-t-il ? Je me délite, je disparais, je suis emporté mais vers où ?

Je me retrouve dans une vieille bicoque. Mais c’est à Rose de faire ce genre de voyage ! Moi, je cherche, je farfouille dans les documents et je mets mon grain de sel. Bon enfin, voyons un peu ce que me réserve ce voyage.

Les murs sont noircis par l’humidité. Une cuisinière, à bout de souffle, ne réchauffe pas la pièce. Je suis déposé sur une table de nuit. Elle a dû être pimpante, mais, dans une autre vie ! comme tous les autres meubles du reste.

  • Bonjour Walter !
  • Euh ! qui me parle ? Comment me connaissez-vous ?
  • Je suis une arrière grand tante de Catherine.
  • Pourquoi n’avoir pas appeler Rose ?
  • Je vais mourir, je préfère la compagnie d’un bout en train comme toi.
  • Tu ne m’as pas l’air très vieille ! C’est vrai la maladie ne fait pas de détail. Et si tu te présentais !
  • Je suis Honorine Pointez, la petite sœur de Catherine Bourgeois née Pointez. Je suis née le 28 août 1871 à Calais.
  • Enchanté Honorine ! Tu veux te redresser, si j’avais des bras et des jambes je t’aiderais volontiers. Mais, mais ! ça marche ! Par la force de ma pensée, je t’ai aidé à t’assoir dans ton lit et j’ai, en plus, gonfler tes oreillers et remis du charbon dans le fourneau !
  • Ha, ha, ha ! Ne penses-tu pas que tu as reçu un peu de la magie de Rose pour te permettre d’agir ?
  • Ne gâche pas mon plaisir Honorine ! Tu étais très jeune quand tu as perdu ton père Charles, jardinier de métier. Et, je suppose que tu as accompagné ta mère jusqu’à sa mort. Tu avais 19 ans.
  • Mais tu en sais des choses Walter !
  • Je suis le roi des fouineurs et j’ai une mémoire d’éléphant. De mon présentoir, j’ai une vue plongeante sur les documents que Catherine consulte.
  • Ma sœur ?
  • Non ta petite-petite nièce ! Sa mère lui a donné le prénom de sa grand-mère.
  • C’est qui sa mère ?
  • Marguerite, la fille de Marguerite la petite dernière de Catherine, ta sœur. Elle est née un 28 août comme toi mais en 1902.
  • Oui ! la petite Margot ! elle a 7 ans. Qu’est-ce qu’elle ressemble à sa mère au même âge !
  • C’est ça, tu as tout à fait raison et pour la ressemblance c’est flagrant ! Cinq ans après le décès de ta mère c’est ta belle sœur Emma qui meurt à 36 ans laissant ton frère Charles seul avec trois filles de 10, 8 et 6 ans.
  • Il a eu bien du chagrin mon grand frère. Il n’arrive pas à l’oublier. Le temps a fait son œuvre mais il ne se remarie pas.
  • Tu es parti vivre chez ton frère et tu as élevé tes nièces.
  • J’étais célibataire, je n’avais donc pas d’attache. De toute façon je ne pouvais faire autrement, c’est ma famille !
  • Comment t’es-tu retrouvé dans ce taudis ?
  • Oui mais c’est mon taudis !
  • Ne joue pas au plus fin avec moi ! Tu risques de gagner !
  • Hélène l’ainée, s’est mariée au mois de mai de cette année 1909 et ses sœurs Emma et Elise ont toutes les deux plus de vingt ans. Elles peuvent s’occuper de la maison et de leur père. Je n’avais plus rien à faire avec eux. Je vis ici depuis deux ans. Mon frère et mes beaux-frères ont déjà effectué quelques travaux mais le temps et l’argent leur manquent. Je suis tullière, je travaille à la pièce mais pas assez vite pour gagner correctement ma vie. Cette fichue tuberculose s’est imposée de plus en plus, prenant mes forces. A tour de rôle, les miens m’apporte ma pitance, du charbon pour me chauffer. Ce matin, Emma faisait la poussière et me racontait les ragots du quartier. Je vais m’éteindre trop jeune mais c’est la vie !
  • Tu aurais aimé qu’un beau jeune homme te comte fleurette. Ferme les yeux Honorine, écoute.
  • Mademoiselle, mademoiselle ! Ne m’ignorez pas ! Me permettez-vous de vous dire que vos yeux de biche, votre taille fine, l’élégance de vos chevilles me font tressaillir ! Si je ne me reteins pas !!!
  • Ohhh ! Watson !
  • Ne dit pas le contraire ! Tes joues rouges me le démontrent. Tu as apprécié !
  • Ha, ha ha ! »

Une énorme quinte de toux secoue la pauvre Honorine. Walter retourne dans sa tasse à crayons. Il a le cœur lourd. Il a une pensée pour Rose sa chère amie, elle est confrontée à cette situation bien trop souvent.

Honorine s’éteindra le 13 décembre 1909 à 38 ans.

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